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27 février 2006

Alors, heureuses ?

«La génération des trois non » : voilà l'expression utilisée aujourd'hui dans les médias taiwanais pour parler de ces femmes de trente ans qui ne sont pas mariées, ne font pas carrière et n'ont pas d'enfants. Les chiffres sont, à cet égard, révélateurs. Selon le ministère de l'Intérieur, en 2003, seules 76,8% des femmes âgées entre 35 et 39 ans étaient mariées. Ceci signifie que près d'un quart des Taiwanaises sont célibataires à l'approche de leur quarantième anniversaire. En général, elles n'ont jamais convolé en justes noces, leur célibat étant, pour un petit nombre d'entre elles seulement, le résultat d'un divorce ou d'un veuvage. Quelle différence avec 1981, lorsque 92,4% des Taiwanaises dans cette fourchette d'âges avaient un conjoint ! Taiwan se place aujourd'hui, en la matière, loin derrière la Corée du Sud (96,7%), le Japon (86,2%) ou encore Hongkong (85,4%).

Il suffit pourtant de regarder autour de soi pour se rendre compte que ces femmes ne sont pas toutes des célibataires endurcies. Au contraire, beaucoup d'entre elles aspirent au statut de femme mariée. Malheureusement, le monde dans lequel elles vivent est parfois cruel. « Dans notre société, les hommes et les femmes ne sont pas sur un pied d'égalité », affirme Liu Yi-chun, directrice de Single Cares Society, une agence matrimoniale. Selon elle, les Taiwanaises choisissent encore leur époux selon des critères traditionnels. Ainsi, une femme d'âge mûr, avec un niveau d'éducation et un salaire élevés (on parle ici des « trois plus »), aura des difficultés à trouver un compagnon du même niveau social dans sa tranche d'âge. Alors qu'un célibataire de statut équivalent aura, lui, toujours le choix entre une grande quantité de femmes plus jeunes que lui...

Une récente étude financée par le ministère des Sciences sur la baisse du taux de nuptialité révèle que 16,24% des femmes de plus de 40 ans qui détiennent une licence sont célibataires, contre seulement 5% des hommes.

Cette étude montre également qu'à Taiwan, la majorité des hommes de plus de 40 ans encore célibataires sont d'un niveau socio-économique faible ou moyen. Ne pouvant espérer trouver une épouse de condition plus élevée, ceux-ci sont de plus en plus tentés par une union avec une femme en provenance d'un pays économiquement moins avancé comme le Viêt-nam ou l'Indonésie. Cette option n'est en revanche guère possible pour les Taiwanaises célibataires. Quelles sont donc les opportunités qui s'offrent à elles ?

« Je refuse de faire des compromis, explique Fang-ting (un pseudonyme). Si je ne trouve pas d'homme qui me convient, je ne me marierai pas, tout simplement. » Fang-ting a près de 40 ans et s'est séparée de son fiancé il y a trois ans. Depuis, elle vit seule avec son chien. Elle travaille pour une grande société de relations publiques à Taipei et a de nombreux amis du sexe opposé, mais ceux-ci sont tous mariés ou dans des relations stables et la considèrent comme une simple collègue, dit-elle. Comme elle n'a nul désir de briser un couple et refuse les aventures de passage, elle préfère maintenir une certaine distance avec ses amis masculins.

Elle se souvient avoir refusé d'être présentée à un divorcé. « C'était un homme d'affaires d'une cinquantaine d'années, distingué, qui avait déjà un enfant. » Malgré les atouts de cette personne qui aurait pu faire un époux respectable, elle n'a pas voulu prendre le risque d'une relation avec quelqu'un qui, estime-t-elle, avait fait la preuve, par son divorce, de son « manque de maturité ». Et puis elle ne se sentait pas capable d'affronter le fait d'avoir à apprivoiser une belle-fille. Malgré tout, elle conserve son optimisme et se dit persuadée qu'elle finira par trouver quelqu'un.

Ne vivant pas chez ses parents, elle n'a pas à affronter leur sollicitude insistante. Elle ne peut cependant éviter les questions et les reproches lors des réunions familiales. Ses parents s'inquiètent en effet beaucoup.

Si l'attitude de ses proches peut paraître envahissante, elle reflète néanmoins l'amour qu'ils lui portent, pense Fang-ting. Li-li (un pseudonyme également) ne peut pas en dire autant. Li-li a 39 ans et travaille dans un hôpital. Elle s'habille toujours soigneusement et vit seule dans un petit appartement d'une propreté absolue. Bien que se jugeant fin prête à assumer les charges d'épouse et de mère, elle est toujours « vieille fille » et ne se résout pas aux brèves rencontres... Tous les jours, lorsqu'elle rentre à la maison et allume les lumières dans son appartement vide, sa gorge se serre. Li-li a une situation professionnelle et financière enviable et donne l'impression d'être une femme directe et efficace. Par exemple, lorsque ses parents sont tombés malades, c'est elle qui s'est occupée des démarches administratives pour recruter une aide ménagère indonésienne. C'est encore elle qui a aidé son frère lorsque celui-ci a connu des difficultés financières. Elle garde également fréquemment ses neveux. Li-li se dit heureuse de pouvoir faire quelque chose pour les uns et les autres, mais son humeur change quand elle pense que sa famille ne se soucie guère de sa vie sentimentale. « Peut-être suis-je trop utile à ma famille, raisonne Li-li. C'est pour ça qu'inconsciemment, ils me découragent de me marier. »

Plus diplômées et plus indépendantes que leurs mères, les jeunes Taiwanaises sont aussi plus difficiles quant à leurs partenaires masculins. (CHANG SU-CHING / TAIWAN REVIEW )

Liu Yi-chun travaille dans le secteur des clubs de rencontres depuis 15 ans. Elle a remarqué ces dernières années que le nombre de femmes s'inscrivant auprès d'agences matrimoniales avait augmenté beaucoup plus rapidement que celui des hommes. « La plupart sont infirmières ou esthéticiennes, des métiers traditionnellement féminins, explique-t-elle.Les infirmières sont en outre souvent de service la nuit et dorment donc le jour, ce qui fait qu'elles ont encore moins d'occasions de faire des rencontres. »

Les femmes de faible niveau socio-économique se marient jeunes, alors que celles qui sont plus instruites et ont des revenus plus élevés restent célibataires plus longtemps.

« En général, les hommes qui cherchent une compagne par notre intermédiaire refusent tout simplement de lire le dossier des femmes plus âgées qu'eux, a constaté Liu Yi-chun. Les Occidentales n'hésitent peut-être pas à épouser un homme plus jeune qu'elles, mais ici, c'est encore tabou. » En effet, à Taiwan, on se moquerait d'elles, ou pire, on les soupçonnerait d'entretenir un gigolo.

Le niveau d'éducation peut également devenir un obstacle. Lorsqu'une femme n'a pas réussi à trouver l'âme sœur pendant ses études, elle constate à son entrée dans le monde professionnel ou universitaire que les seuls hommes disponibles autour d'elle sont soit des collègues mariés, soit de jeunes étudiants. Le traditionnel complexe de supériorité masculin n'arrange rien. Peu d'hommes sont en effet disposés à avoir une relation avec une femme plus instruite qu'eux.

Souvent, les parents encouragent leurs filles à se concentrer uniquement sur leurs études. Chang Mei (ce n'est pas son vrai nom) est un exemple typique. Belle et élégante, elle possède un doctorat d'une université américaine et enseigne depuis sept ans dans une université prestigieuse du nord de l'île. Elle supporte mal la double charge de devoir enseigner et de publier régulièrement des articles. Mais c'est la petite voix dans sa tête qui la fait le plus souffrir. « Où se cache l'homme de ma vie ? »

Chang Mei croit au karma et à la transmigration de l'âme, et elle consulte souvent une voyante réputée. A plusieurs occasions, cette dernière lui a prédit qu'elle rencontrerait bientôt l'homme de ses rêves, et elle y croyait.

A la veille de ses 40 ans, bien que membre de plusieurs clubs de rencontre, Chang Mei était pourtant toujours seule. Une fois de plus, elle alla consulter la voyante. Cette fois-ci pourtant, en examinant la date et l'heure de naissance de sa cliente, la médium changea de discours pour affirmer que Chang Mei n'était finalement pas destinée à se marier dans cette vie. A ces mots, Chang Mei s'effondra en larmes. Pourquoi un tel destin alors qu'elle n'a nuit à personne et que tout ce qu'elle veut est fonder une famille, se demande-t-elle sans fin ? Elle s'est prise à douter d'elle-même. « Quel est le sens de ma vie ? »

Sha Yi-jen, aujourd'hui à la retraite, raconte que lorsqu'elle enseignait au département de sociologie de l'université nationale de Taiwan, à Taipei, elle remarqua qu'il y avait de plus en plus de femmes professeurs célibataires autour d'elle et décida de leur venir en aide en créant un club de rencontre sur le campus. Pourtant, en deux ans d'existence, et bien que le club ait été fréquenté par des centaines de personnes seules, deux unions en ont résulté. Les hommes sont trop difficiles, dit-elle, et les femmes visent trop haut. « Les hommes sont tous des excentriques, et les femmes sont bizarres. C'est vraiment exaspérant ! »

Pour les femmes actives ayant un niveau d'éducation supérieur, l'univers professionnel n'est pas toujours propice aux rencontres.
(CHANG SU-CHING / TAIWAN REVIEW )

D'après Sha Yi-jen, une partie du problème réside dans le déséquilibre entre le nombre des hommes et celui des femmes qui sont à la recherche d'un partenaire. Le club qu'elle a fondé compte en effet 80 membres du sexe féminin pour à peine 10 hommes... Elle est aussi persuadée que ceux qui ne sont pas mariés à 30 ans sont soit trop prudents, soit trop difficiles. « Si vous jetez un par un tous les cailloux sur votre chemin dans l'espoir d'en trouver un plus beau, le choix va en se réduisant. »

« Les hommes célibataires possédant les qualités que recherchent les femmes « s'abaissent » rarement à s'inscrire à un club de rencontre, estime Liu Yi-chun. Ils peuvent compter sur leurs amis ou leur famille pour leur présenter des partenaires potentiels. Et il y a ceux qui préfèrent garder leur indépendance. » Les rares hommes qui font partie de sa base de données, admet-elle, n'ont en général pas de diplôme du second cycle ni un gros salaire, mais cela ne les empêche pas d'avoir une haute opinion d'eux-mêmes. Il y a cet homme qui mesure à peine 1,65 m et qui ne souhaite rencontrer que des femmes plus grandes que lui. Ou cet autre qui, ayant réussi professionnellement, recherche une femme obéissante, disposée à remplir ses « devoirs d'épouse », qui sera « respectueuse de son mari et de ses enfants ».

Aux divers stades de sa vie, une femme semble rechercher quelque chose de différent, analyse la romancière Chang Ai. A 20 ans, elle veut de la passion et des feux d'artifice, elle pense peu au mariage. A 30 ans, elle va probablement vouloir une relation plus stable, un mari et des enfants. Enfin, à 40 ans, une femme célibataire ne recherchera peut-être qu'un compagnon partageant ses intérêts.

A 46 ans, la célibataire Chang Ai ne cache pas qu'elle entretien depuis longtemps une longue liaison avec un homme marié. Ainsi elle connaît très bien ce genre de relations, où aucun des deux partenaires n'a besoin de s'engager, ce qui leur permet de profiter au maximum du temps passé ensemble. Elle a eu d'autres compagnons célibataires, mais ils étaient tous tellement plus conservateurs que son amant marié qu'elle n'a pas souhaité approfondir avec eux, dit-elle. Chang Ai est par ailleurs convaincue que l'expérience d'une relation intense mais instable a été très utile pour son art.

« De plus en plus de célibataires acceptent de le rester, affirme Chang Ai. Si nous ne pouvons obtenir le mariage, acceptons au moins l'amour ! Qu'y a-t-il de mal à avoir un amant ? Vivre sans regrets, c'est ça qui compte ! »

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